HISTORIQUE

Contexte de la réforme foncière
Le gouvernement de la République Démocratique du Congo a lancé les chantiers du développement économique et social, dans lequel le foncier occupe une place de choix comme support des investissements porteurs de croissance et comme facteur et cohésion social et politique. Il est observé cependant, que le régime foncier, tel qu’il découle de la loi du 20 juillet 1973, s’érige en facteur limitant les progrès sur un certain nombre de questions liées aux processus d’occupations et d’utilisation des terres.

L’absence d’une politique foncière adaptée aux nouvelles orientations stratégiques de développement pour la lutte contre la pauvreté (Objectifs du Millénaire pour le Développement) et aux évolutions enregistrées par le pays sur le plan politique, économique, social et culturel, est signalée comme une des causes majeures des déficits que l’on déplore aujourd’hui. Elle a donné lieu {l’émergence d’un système et de pratiques qui ne favorisent pas la productivité des terres. Dans un tel contexte, plutôt que d’être un instrument de pacification sociale et de développement économique, le système de gouvernance des terres en place a abouti à des résultats mitigés : insécurité de la tenure foncière en milieu urbain et rural, prédominance des pratiques en marge de la loi, prolifération des conflits fonciers, thésaurisation foncière, valorisation insuffisante des ressources en terre…

L’ineffectivité du cadre juridique régissant le foncier et son inadéquation qui en résulte, sont dès lors largement reconnues. Elles prennent leur source tant dans les motivations qui ont prévalu lors de l’adoption de la loi que dans les logiques de fonctionnement du système social congolais. En effet, la loi du 20 juillet 1973 précitée visait, d’une part, { uniformiser le droit foncier congolais, d’autre part, { conférer { l’Etat Congolais l’indépendance économique { travers la nationalisation et la domanialisassions des terres dites « indigènes », sous le régime précédent. Ce qui a permis non seulement de récupérer les terres dont la colonie avait dépossédé les « indigènes » congolais à travers sa théorie des terres vacantes et sans maitre, mais aussi d’anéantir les pouvoirs des chefs coutumiers qui avaient tendance { remettre en cause la légitimité tant de l’Etat nouveau issu de la décolonisation que de ses dirigeants.

Les options de politique et de législation foncières levées dans ce contexte particulier de concurrence entre les élites traditionnelles et les nouvelles élites { l’aube de l’accession du pays { l’indépendance, et de recherche de l’indépendance économique, posent aujourd’hui un problème de pertinence, mieux d’adéquation avec un contexte socioculturel, économique, environnemental mondial, régional, national et local en mutation rapide.

Tenant compte des nouvelles socio-économiques du pays et les nouvelles orientations contenues dans la vision de la modernité du gouvernement congolais, plusieurs facteurs justifient la mise en route d’un débat au tour de la gouvernance foncière en RD Congo : facteurs juridiques, politiques, économiques, et socioculturels.

Processus de la réforme foncière en R.D. Congo
2.1. La consultation nationale pour dégager une feuille de route consensuelle

La promotion d’une réforme foncière participative et consensuelle au plan national peut largement contribuer à la pacification et à la reconstruction du pays. Et un régime foncier capable de sécuriser les droits des particuliers et des communautés locales tout en garantissant aux investissements un environnement favorable serait porteur de croissance, dans ce contexte précis où la RDC marque son entrée dans le système du droit OHADA. Dans une telle configuration, une politique foncière résultant d’un large consensus national offrirait un fondement solide à la vision du développement économique et social, telle que rendue dans le DSCRP9 et dans les OMD10.

Le Président de la République a annoncé dans son discours inaugural de Décembre 2011, le besoin de mettre la RD Congo sur les chantiers de la modernité, avec notamment comme recommandation d’opérer une réforme foncière en vue de créer un environnement propice au développement socio-économique et surtout de réduire les tensions autour de la terre.

Au mois de juillet 2012, le Ministère des Affaires foncières avec l’appui de quelques partenaires (e.g. Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat-COPIREP, Rights and Ressources Initiative-RRI, UN Habitat)a initié un dialogue national sur le foncier à travers un atelier de trois jours réunissant toutes les parties prenantes à la fois provinciales et nationales. Une feuille de route consensuelle pour une réforme inclusive et participative est sortie de ces assises. La feuille de route devient désormais le document de référence pour la conduite de la réforme foncière en RD Congo. Les éléments clés de la feuille de route se déclinent en actions sur le long et le moyen terme.

Objectifs et actions envisagés dans la feuille de route

  1. Doter le pays d’une politique foncière appropriée ;
  2. Refondre la loi foncière actuelle et l’adapter { la nouvelle vision contenue dans la politique foncière ;
  3. Conception d’un programme de mise en œuvre et en cohérence des responsabilités institutionnelles.
  4. Diffusion de l’information au public, formation et renforcement des capacités en appui { la mise œuvre de la réforme

Mesures transitoires préconisées par la feuille de route

  1. Assainir la gouvernance foncière pour l’amélioration du climat des affaires.
  2. La décentralisation de la gestion foncière.
  3. Définir le statut des chefs coutumiers et les modalités pour leur implication dans la gestion des terres.
  4. Définir des modalités de sécurisation du domaine public de l’Etat.
  5. Promouvoir les mécanismes alternatifs de prévention et de résolution des conflits foncier
  6. Définir le processus, les acteurs et leurs rôles dans la réforme foncière.
  7. Adresser la problématique de la multiplicité des lois et institutions dans la gestion foncière.

2.2. Présentation de la feuille de route aux Partenaires Techniques et Financiers.

Les orientations de la feuille de route ont été présentées aux Partenaires Techniques et Financiers (PTF) au mois d’Octobre 2012, {l’occasion d’une table ronde organisée par le Ministère des Affaires foncières. Cette table ronde a été l’occasion pour le Ministre des Affaires Foncières et le Vice Premier Ministre chargé des Affaires coutumières de décliner les orientations de la réforme foncière, telle que préconisée par le Président de la République. C’était l’occasion de démontrer aux partenaires bilatéraux et multilatéraux le caractère prioritaire de la réforme foncière pour promouvoir un environnement propice au développement économique et œuvrer pour la cohésion sociale. Le Vice Premier Ministre, Ministre des Affaires Coutumières a annoncé les dispositions prises par le gouvernement pour contribuer financièrement à la réforme avec la provision de crédits budgétaires sur une base annuelle.

2.3. L’analyse de la Gouvernance foncière en RD Congo.

Une étude de base sur la gouvernance foncière est bouclée par CODELT sur financement de la Banque Mondiale et de la Belgique. Cette étude qui a duré deux ans, a permis d’identifier les grands enjeux et faiblesses dans le système actuel de gouvernance foncière. L’étude a fait l’objet d’une validation en Février 2013, au cours d’un atelier national réunissant les représentants de la société civile, les gouvernements provinciaux, les partenaires bilatéraux, les chefs coutumiers et des experts fonciers internationaux. Les conclusions de l’étude ont aussi été présentées aux ministères ayant trait au foncier (Ministère de l’Aménagement du Territoire, Agriculture, Mines, Forets et Environnement, Décentralisation).

Les recommandations suivantes dérivent de l’analyse de la gouvernance foncière :

  1. Mettre en place une plateforme multisectorielle et multi acteurs dans le cadre de la réforme foncière pour harmoniser les politiques et décisions entre les différents ministères ;
  2. Mener des actions pilotes pour la collecte des données et informations qui puissent constituer la matière pour la réforme foncière : simplification du processus de la délivrance des certificats/titres ; démarcation des champs / cartographie forêts/ terre communautaires ; charte foncière rurale (mieux codifier les droits fonciers locaux);
  3. Régularisation foncière urbaine ;
  4. Répliquer l’étude CAGF-LGAF au niveau provincial et local pour cerner les spécificités dans la gestion foncière en RD Congo en vue d’une capitalisation pour le développement d’une politique foncière et la révision de la loi foncière actuelle; accompagner la décentralisation foncière au niveau des provinces.